Naples, la ville qui a érigé le football au statut de mythe
Lorsque le club du Napoli s'est adjugé son troisième titre de champion d’Italie en juin 2023, c'est toute la ville qui est entrée en ébullition. Un trophée à la saveur particulière dans une ville qui ne vit pas le football tout à fait comme les autres.
Ainsi, la victoire définitive a été fêtée comme il se doit dans les rues de Naples qui ont été le théâtre de scènes de liesse. Entre une longue frustration sportive et une difficulté chronique à surclasser les clubs plus riches du nord, ce Scudetto avait des allures de revanche dans la plus grande ville de Campanie.
Tout cela n’a rien d’étonnant quand on sait que le public de Naples est le plus fervent d’Italie, par ailleurs un grand pays de football où le « calcio » (le football, en italien) déchaîne les passions d’un bout à l’autre de la péninsule. Dans la métropole du sud, le ballon rond est plus qu’une passion : c’est un véritable mythe. Les preuves en images.
Jusqu'à ce troisième trophée, tout n’avait pas été rose pour les Partenopei ces dernières décennies. Après les deux titres glanés à l’époque de Maradona, le club avait connu un inexorable déclin, tombant en Série B en 1998 et même en Série C en 2004. Avant de retrouver l’élite italienne en 2007.
Sous le mandat du mythique entraîneur Maurizio Sarri (2015-2018), l’équipe avait montré un visage séduisant. Emmené par des pointures comme Lorenzo Insigne, Dries Mertens, Jorginho ou Kalidou Koulibaly, le Napoli avait joué les premiers rôles et menacé l’hégémonie de la Juventus. Mais le réalisme froid des « bianconeri » avait eu raison de l’enthousiasme des Napolitains qui avaient manqué le titre d’un cheveu en 2018.
Voir Naples remporter le titre haut la main en 2023 a été d’autant plus surprenant que le club s’était séparé des piliers de l’ère Sarri, parfois qualifiés de « senatori » (« sénateurs » en français) par les locaux. La saison 2022-2023 s’était ouverte dans un contexte de resserrement budgétaire et d’incertitude maximale, marquée toutefois par un renouvellement efficace des effectifs.
L’échec de 2018 avait renforcé la superstition légendaire des supporters mais a rendu d’autant plus fort le triomphe de 2023. Pour la première fois depuis 2001, l’hégémonie des trois grands clubs du nord (Juventus de Turin, Milan AC et Inter Milan) a été brisée. Ce qui a rendu la victoire encore plus belle dans la ville rebelle du sud du pays.
Une quête d’autant plus ardue que le SSC Naples dispose de moyens financiers beaucoup plus limités que ses homologues turinois et milanais, à l’image de la fracture économique qui continue de diviser l’Italie entre le nord et le sud. Le club a donc dû faire preuve d’intelligence et de patience dans la construction de son projet sportif.
Pour les habitants de la ville au pied du Vésuve, la revanche ne fut pas seulement sportive ou économique. Pour une cité longtemps sous domination étrangère puis reléguée au second plan lors de l’unification de l’Italie, il s’agissait d’affirmer son identité et de montrer la force de son caractère unique.
La passion des Napolitains pour le football ne date pas d’hier. Les supporters les plus âgés ont longtemps vécu dans la nostalgie du « Pibe de Oro » argentin Diego Maradona qui avait permis aux Partenopei de régner à deux reprises sur l’Italie. Et les plus jeunes qui en ont toujours entendu parler attendaient désespérément le retour d’un tel âge d’or sportif.
Arrivé au pied du Vésuve en 1984, le champion du monde 1986 avait été ovationné par 70 000 supporters en guise de comité d’accueil. Mais ses relations troubles avec la mafia qui gangrène la ville en ont fait un personnage controversé en Italie.
Malgré tout, la passion du football est trop forte et le peuple napolitain continue de communier dans le culte de Maradona, avec lequel le club avait aussi remporté un trophée européen, la Coupe de l’UEFA, en 1989. Des murs entiers de la ville sont recouverts de fresques à la gloire de l’inoubliable joueur argentin.
Le stade San Paolo de Naples a d’ailleurs été rebaptisé Diego Maradona peu de temps après le décès de l’ancien footballeur en 2020. Un stade devant lequel trône fièrement une statue à l’effigie d’un homme considéré comme un demi-dieu dans la ville.
En hommage au brillant meneur de jeu argentin, le club a d’ailleurs retiré son mythique numéro 10. Plus aucun joueur du SSC Naples, aussi doué soit-il, ne pourra plus jamais porter la tunique bleu ciel avec le numéro 10 de cette légende du football mondial.
Ces dernières années, avec le retour de l’équipe au premier plan, la ville entière vit au rythme du football qui est devenu un atout touristique en plus de Pompéi, des volcans et du patrimoine artistique et religieux. De plus en plus de supporters se pressent pour vivre l’atmosphère si particulière de Naples, et des opérateurs y proposent des séjours axés sur le football.
Entre la glorieuse ère Maradona et les victoires actuelles, la rivalité avec le nord de l’Italie et la passion inimitable des supporters, Naples est une ville où le football a acquis une dimension de mythe.