Les sœurs Press, les deux championnes russes accusées d'être... des hommes
Dans certains sports, certains athlètes dominent tellement leur discipline qu'ils en deviennent suspects. Dans les années 1960, deux sœurs vont attirer les soupçons : Irina et Tamara Press.
La sœur ainée, Tamara, naît en 1937 à Karkhov, deux ans avant sa cadette Irina. Les deux jeunes filles connaissent une enfance difficile, puisque leur père est tué par les n a z i s lors de la Seconde Guerre mondiale et, avec leur mère, elles fuient jusqu'à Samarcande, une ville d’Ouzbékistan, selon ABlock.
Les deux sœurs sont ensuite admises à l'université de Léningrad et vont rapidement se révéler dans les disciplines sportives. Si Tamara est plus à l'aise aux lancers, la cadette est extrêmement polyvalente, mais excelle en saut de haies.
En 1955, elles commencent à s'entraîner avec Viktor Alekseyev et se spécialisent avec, comme objectif, les Jeux Olympiques de 1960, à Rome.
En 1958, Tamara Press est la première à faire des étincelles en remportant deux médailles aux championnats d'Europe de Stockholm : l'or au lancer de disque, et le bronze au poids, une force de la nature.
Après des années d'entraînement, les deux sœurs arrivent déterminées à Rome. Au-dessus du lot, Irina s'adjuge l'or sur le 80 mètres haies, tandis que son aînée remporte l'or au poids et l'argent au disque, rapporte L'Équipe. Trois médailles en une seule Olympiade !
En pleine Guerre Froide, les deux athlètes sont accueillies en héroïnes par le bloc de l'Est. Toutefois, à l'Ouest, les médias se posent des questions sur la génétique et le physique des deux sœurs. Tamara, la lanceuse, mesure 1,80 m pour près de 100 kg, tandis qu'Irina fait 1,68 m pour près de 74 kg.
Des magazines comme Life publient des photos des jeunes femmes, les comparant aux autres athlètes féminines de l'époque. La rumeur se répand qu'elles seraient toutes deux hermaphrodites ou qu'elles soient soumises à des injections de testostérone par le gouvernement soviétique dans le cadre d'un plan de dopage d'État.
Entre 1960 et 1964, Tamara Press survole toutes les compétitions, notamment au lancer de disque où, vexée d'avoir été vaincue en 1960, elle bat cinq fois le record du monde de la discipline.
En 1964, lors des Jeux Olympiques de Tokyo, les championnes sont de retour et raflent tout : Irina prend l'or sur le pentathlon, tandis que Tamara réalise le doublé disque-poids au lancer.
Cette fois, c'en est trop pour le bloc de l'Ouest. L'affaire est telle qu'en 1966, pour les championnats d’Europe d’Athlétisme de 1966, les officiels hongrois introduisent un "test de féminité". Celui-ci a pour objectif de déterminer les athlètes femmes qui seraient en fait intersexuées.
C'est ici que l'affaire prend un tout autre tournant. Au dernier moment, les deux sœurs se retirent de la compétition, avec, comme excuse, qu'elles doivent se rendre "au chevet d'un proche malade".
À partir de 1968, les "test de féminité" deviennent obligatoires dans les compétitions d'athlétisme. Les détracteurs attendent impatiemment le retour sur les pistes des deux Press, qu'ils surnomment les "frères Press".
Toutefois, ce retour n'aura jamais lieu, les deux championnes prenant leur retraite sportive. Évidemment, cette décision va accentuer les rumeurs et, pour certains, confirmer les doutes.
Après leur carrière respective, les deux sœurs changent totalement de vie. Irina s'engage avec le KGB tandis que Tamara devient ingénieure civile. Elles se retrouveront finalement au bureau des sports russes.
Cette affaire des sœurs Press va changer l'histoire, car, jusqu'aux Jeux Olympiques de Sydney en 2000, les "tests de féminité" seront obligatoires pendant 32 ans, de 1968 à 2000.