24 juin 1995 : le jour où le rugby a changé à jamais l'histoire de l'Afrique du Sud
Le 24 juin 1995, voilà une date que l'Afrique du Sud n'oubliera jamais. Ce jour-là, le président Nelson Mandela a remis en main propre la Coupe du monde de rugby à François Pienaar, le capitaine des Springboks.
Si ce geste peut paraître banal, il a marqué les esprits de tous les Sud-africains. 47 ans après la création de l'apartheid (une politique séparant les blancs et les noirs) et quatre ans après son abolition, l'image de Nelson Mandela, un président noir portant le maillot de François Pienaar, un capitaine blanc, a ému le monde entier.
Une image symbolique, accompagnée d'un dialogue qui l'est tout autant : "François, merci pour ce que vous avez fait pour votre pays", "non, monsieur le Président, merci pour ce que vous avez fait."
Dans le stade, une foule composée à 95 % de personnes blanches, scandant "Nelson, Nelson !" Preuve d'une évolution inédite dans un pays rassemblé ce jour-là par un sport : le rugby.
Toutefois, derrière cette remise de trophée se cache un exploit sportif exceptionnel. Voici l'histoire de cette équipe d'Afrique du Sud 1995.
En 1995, deux Coupes du monde ont déjà été disputées. Deux nations de l'hémisphère Sud (l'Australie et la Nouvelle-Zélande) ont été sacrées et arrivent comme grandes favorites au Mondial.
Sauf que cette Coupe du monde est inédite en un point : elle est organisée en Afrique du Sud et, pour la première fois, les Springboks vont participer à la compétition. Une entrée en lice très attendue dans le pays.
En effet, à cause de l'isolement du pays provoqué par l'apartheid, l'Afrique du Sud n'a pas été autorisée à participer aux compétitions internationales.
Pourtant, dans les années 1950, l'Afrique du Sud était la meilleure nation mondiale, marchant sur tous ses opposants. Le sport, popularisé au milieu du XIXᵉ siècle, n'était alors pratiqué que par l'élite blanche du pays.
En effet, aucune personne de couleur n'était autorisée à porter le maillot de l'Afrique du Sud. Symbole de l'apartheid qui régit le pays, le rugby est alors le reflet d'une société raciste.
Il faut attendre le 30 mai 1981 pour que, pour la première fois, un non-blanc nommé Errol Tobias, du club métis de Caledon, porte le maillot des Springboks. Une sélection qui avait jadis fait scandale dans le pays.
Ainsi, pour les personnes de couleur, le rugby est considéré comme un sport réservé aux blancs. Un sport élitiste et raciste. Malgré la fin de l'apartheid en 1991, ce constat continue de perdurer dans les esprits.
Toutefois, en 1994, tout change. Nelson Mandela, candidat noir à l'élection présidentielle, est élu. Il mène alors une politique de réconciliation avec, en ligne de mire, la Coupe du monde 1995.
Ainsi, la compétition représente bien plus qu'une Coupe du monde, c'est également le visage du pays dans le monde entier. Un événement pour montrer que l'Afrique du Sud a changé.
Pour le premier match de la compétition, l'Afrique du Sud retrouve les champions du monde en titre : l'Australie. Après une rencontre totalement folle, les Springboks viennent à bout des Wallabies 27-18. La compétition est lancée.
Véritable machine de guerre que rien ne peut arrêter, l'Afrique du Sud sort facilement des poules après deux victoires contre la Roumanie et le Canada. En quart de finale, l'équipe du capitaine François Pienaar écarte aisément les îles Samoa sur le score de 42-14.
En demi, ils font face à leur plus gros test depuis le début du tournoi : l'équipe de France. Les Bleus, menés par Thierry Lacroix et Émile Ntamack, sont très forts depuis le début de la compétition.
Après une rencontre particulièrement serrée entre les deux nations, les Springboks s'imposent finalement 19-15 et se qualifient pour la finale devant une foule en délire.
En finale, l'Afrique du Sud retrouve la Nouvelle-Zélande du terrifiant Jonah Lomu, le meilleur joueur de la planète. Les Sudafs ne sont pas donnés favoris face à des All Blacks qui ont remporté leur demi 45-29 face aux Anglais.
Avant le match, dans les vestiaires, l'ambiance est tendue. François Pienaar parle à ses joueurs et, juste avant l'entrée des joueurs, quelqu'un toque à la porte : Nelson Mandela.
Sur son dos, le maillot du n°6, celui de Francois Pienaar, le capitaine. "Je n'en revenais pas de voir Monsieur Mandela dans notre vestiaire avant la finale avec le maillot des Springboks sur le dos. J'ai dû vite me reconcentrer et calmer les gars avant qu'on rentre sur le terrain", explique le joueur.
Survoltés, les Sud-africains vont alors réaliser un match exceptionnel. Leur stratégie ? Tout faire pour arrêter Jonah Lomu. Après 80 minutes, les deux équipes sont à égalité, 9-9.
La tension est à son comble mais, après des prolongations suffocantes, devant un public en feu, ce sont les Springboks qui s'imposent 15-12 et remportent leur première Coupe du monde, pour leur première participation.
C'est alors que Nelson Mandela remet le trophée, maillot de Francois Pienaar sur le dos, au capitaine. Une scène mémorable, sûrement la plus iconique de toute l'histoire du rugby.
En 2009, le réalisateur Clint Eastwood reviendra sur cette magnifique histoire dans le film Invictus, avec Morgan Freeman et Matt Damon. Une manière d'immortaliser un moment marqué à jamais dans l'histoire.