4-0 à la mi-temps : le jour où Marseille a renversé le match du siècle en Ligue 1
Le 22 août 1998, l'Olympique de Marseille affronte Montpellier au Vélodrome. Un match classique de notre championnat, qui va rapidement tomber dans l'absurde, pour offrir aux spectateurs l'un des plus grands spectacles du XXᵉ siècle.
On est alors au début de la saison 1998-1999, lors de la troisième journée. Candidat pour le titre, l'OM affronte des Montpelliérains prônant un jeu ouvert, en témoigne leurs deux premières rencontres (nul 2-2 à Bastia et victoire 3-1 contre Rennes, selon Sofascore).
De son côté, Marseille, coaché par Rolland Courbis, n'a pas encaissé un seul but en deux matchs (victoires 2-0 et 1-0 contre Nantes et Metz), et souhaite enchaîner avec un troisième succès consécutif.
Pourtant, dès la 15ᵉ minute, les visiteurs surprennent leurs hôtes. L'attaquant ivoirien Ibrahima Bakayoko ouvre le score d’un tir de l’extérieur du pied droit dans la surface. Marseille ne réagit pas et se fait punir quatre minutes plus tard : Laurent Robert aggrave le score.
Abasourdis, les joueurs de Rolland Courbis sont tels des fantômes sur le terrain, et Montpellier ne montre aucune pitié au Vélodrome. Franck Sauzée décoche un coup-franc parfait à la 23ᵉ, avant que Bakayoko ne s’offre un doublé dix minutes plus tard : 4-0 à la mi-temps, c'est fou.
Dans les gradins, les supporters commencent déjà à quitter le stade, et de nombreux spectateurs ne verront qu'une mi-temps de ce match dingue.
Pour Robert Pirès, attaquant de l'OM, cette première période est un "cauchemar" : "Lorsque vous arrivez dans un club comme l'OM, vous vous faites une joie de jouer au Vélodrome. Mais là, en l'espace de 45 minutes, je me suis retrouvé en plein cauchemar. J'avais l'impression d'être sur un bateau qui coulait petit à petit, qui faisait naufrage. Les buts défilaient et on ne faisait rien pour freiner notre chute."
De son côté, Rolland Courbis a du mal à réaliser : "Pendant 45 minutes, nos adversaires ont parfaitement joué le coup et marqué quatre buts en cinq occasions. Une efficacité monstrueuse, largement facilitée, il est vrai, par notre propre production. Nous n'étions même pas mauvais, nous étions carrément ridicules ! J'avais même déjà commencé à préparer les excuses, tellement j'avais honte", explique-t-il à Canal+.
Pourtant, le coach fait semblant d'y croire : "Je croise Louis Nicollin (le président du MHSC) et Michel Bezy (le coach montpelliérain) à la mi-temps. On se taquine. Et je leur dis : 'pas besoin de me consoler, on va gagner 5-4'. Évidemment, j'y pense réellement la moitié d'une seconde."
Pourtant, au retour des vestiaires, la seconde mi-temps prend du temps à se lancer. Malgré quelques offensives phocéennes, Montpellier tient bon… jusqu'à la 61ᵉ minute ! Sur un centre de l'entrant Dugarry, Maurice relance Marseille, le début de la remontada.
Passeur, Christophe Dugarry va se muer en buteur, à deux reprises. Sur corner, l'attaquant inscrit un doublé, devant un Vélodrome en feu : "Quand on a commencé à revenir et que le public nous portait, nous sommes entrés dans une espèce d'euphorie comme tu en connais peu de fois dans ta carrière", se souvient Eric Roy. "Comme si nous ne touchions plus terre en fait", rapporte Le Figaro.
Le tsunami marseillais est en marche et, à la 84ᵉ minute, Eric Roy égalise, avant que Laurent Blanc offre les trois points à l'OM, à la 90ᵉ minute, sur penalty, dans un stade bouillant. 5-4, score final, quelle soirée !
Forcément, après une telle rencontre, les acteurs ne réalisent pas : "Personne n’a compris ce qui s’est passé ce soir-là, nous les premiers", explique Jean-Christophe Rouvière, joueur de Montpellier. "Déjà, rentrer aux vestiaires à la pause au Vélodrome avec quatre buts d’avance, face à cette équipe, ça relevait de l’impossible. Mais se faire rattraper et devancer en moins de trente minutes, on entrait dans l’irrationnel", rapporte So Foot.
Rolland Courbis a tenté d'expliquer ses changements tactiques à la mi-temps : "En continuant de la sorte, on risquait de rentrer aux vestiaires en fin de match avec six ou sept buts dans les valises. À domicile, cela fait un peu désordre ! Alors, j'ai simplement rappelé aux gars que nous avions une mi-temps pour prouver que nous avions quelque chose dans le pantalon. C'est toujours facile à dire, mais c'est très réconfortant lorsqu'on arrive à ce résultat."
Selon le coach marseillais, un joueur a tout changé : "La rentrée de Dugarry constitue d'ailleurs pour moi le tournant de la rencontre, car il a vraiment été déterminant, les obligeant sans cesse à reculer."
S'il y a bien une chose qui a permis à l'OM d'aller chercher cet exploit, c'est le Vélodrome : "Cette atmosphère… C'est là que j'ai senti à quel point l'expression 'douzième homme' prenait tout son sens", explique l’Héraultais Philippe Delaye. "On sentait que le match nous échappait à ce moment-là." La magie d'un stade, tout simplement !