Jonas Vingegaard est-il plus rapide que Christopher Froome ou Lance Armstrong ?
Le dimanche 23 juillet, le Danois Jonas Vingegaard a remporté son second Tour de France consécutif devant son rival Tadej Pogacar. À 26 ans, le coureur de la Jumbo Visma semble intouchable et ses performances interrogent.
Si la bataille entre Tadej Pogacar et Jonas Vingegaard a été rude pendant deux semaines, le Danois a explosé les compteurs sur le contre-la-montre de la 17ᵉ étape. Dans un exercice de 22 kilomètres, il a distancé tous ses adversaires.
C’est simple, Jonas Vingegaard a terminé avec 1 minute et 38 secondes d’avance sur Tadej Pogacar… qui avait lui-même mis 1 min 30 à tous les autres concurrents, dont Wout Van Aert. Une performance colossale.
Ce contre-la-montre rappelle bien sûr celui de la Planche des Belles Filles, où Tadej Pogacar avait réussi à reprendre une minute à Primoz Roglic en 2020… Pourtant, ce n’est pas comparable.
En effet, à la Planche, le Slovène avait réussi à reprendre 2,2 secondes par kilomètre au 2ᵉ intermédiaire, puis 2,2"/km au 3ᵉ et 2,5"/km au 4ᵉ, tandis que Vingegaard a mis 4,3"/km au 2ᵉ, 7,6"/km au 3ᵉ et 7,8"/km au 4ᵉ.
Ainsi, la performance de Jonas Vingegaard est largement plus impressionnante que celle du Slovène… mais qu’en est-il des autres coureurs ? Lance Armstrong, Christopher Froome (photo), Marco Pantani… Toutes ces légendes vont-elles plus vite que le Danois ?
Pour cela, nous allons nous intéresser au watts. Mais de quoi s’agit-il ? "Pour vous déplacer, vous fournissez une énergie", explique Antoine Vayer, ancien entraîneur de l'équipe Festina, à francetvinfo. "Elle exprime la manière dont vous pédalez. Cette donnée physique, exprimée en watts, permet d'évaluer la puissance que vous développez."
Photo : Antoine Vayer / Twitter
Selon les estimations de Lanterne Rouge, le Danois aurait développé une puissance de 7,6 W/kg sur 13 minutes et 21 secondes d’efforts. Même s'il est très difficile de comparer les époques, cet accomplissement est à mettre au niveau de l'ascension de Marco Pantini (photo) au Flumserberg en 1995 ou de Bjarne Riis à Hautacam en 1996.
Ces deux ascensions avaient alors marqué les esprits, les deux coureurs ayant par la suite avoué s’être dopés à l’EPO. Ainsi, Jonas Vingegaard a réalisé la “meilleure” ascension depuis plus de 25 ans… voire de l’histoire.
Le lendemain, le Danois a continué à martyriser ses concurrents lors de la montée du Col de la Loze. Dans l’un des cols les plus difficiles de France, il a battu le record de l’ascension jusque-là détenu par Miguel Angel Lopez en 2020.
Il a en effet effectué cette ascension en 32'59", contre 33'51" pour le Colombien. Sur ce passage, Jonas Vingegaard a repoussé son deuxième adversaire Adam Yates (UAE Team Emirates) à plus de 2 minutes et a développé une puissance de pas moins de 6,21 W/kg. Le tout en perdant plus de dix secondes à cause d'un incident de moto.
Ainsi, Jonas Vingegaard a réalisé une performance plus forte encore que celle de Pantani, Riis ou Pogacar. Mais qu’en est-il de Lance Armstrong et Christopher Froome ? Pour cela, nous allons nous intéresser à la valeur en watt étalon du coureur.
Celle-ci permet de saisir l’effort atteint par un coureur lors d’une ascension. Selon les experts, les performances sont considérées humaines en dessous de 410 watts de puissance étalon, suspicieuses entre 410 et 430, miraculeuses entre 430 et 450, mutantes au-dessus.
Le pic atteint par Lance Armstrong a eu lieu lors de l’ascension d’Hautacam en 2000 où il a atteint les 455 watts étalon dans un effort de 36 minutes et 25 secondes. Il sera déclassé cette année-là pour avoir pris de l’Actovegin.
Pour Christopher Froome, il faut encore aller plus loin car le Britannique est tout simplement sur une autre planète. Le 23 juin 2013, lors de l’ascension du col de la Madone, il a réalisé un effort surhumain sur 12,8 km de montée et 30 minutes et 6 secondes d’effort : 472 watts étalons !
Toutefois, cette performance est à prendre avec des “pincettes” car elle n’a pas été réalisée en course mais lors d’un entraînement. Pour Lance Armstrong, il s’agissait du troisième col de la journée et, qui plus est, avec un matériel différent.
Qu’en est-il de Jonas Vingegaard ? Lors de l’ascension de Marie-Blanque le 1er juillet, le Danois a tout simplement atteint 486 watts en 16 minutes et son "watts moyen" sur ce Tour de France n’est autre que… 447 watts étalon, contre 435 pour Tadej Pogacar. Le record étant détenu par Miguel Indurain avec 455 watts en 1995.
Pour l'instant, la valeur "watt étalon" de Jonas Vingegaard lors du contre-la-montre n'a pas encore été évaluée mais selon Antoine Vayer, celle-ci approcherait les 500 watts dans la côte de Domancy.
Pour ce qui est de la valeur moyenne en watts sur le Tour, la plus haute jamais enregistrée pour Lance Armstrong était 438 watts étalons, en 2001. Pour Christopher Froome, la moyenne recensée sur le Tour de France 2016, qu’il remporte devant Romain Bardet, est de 419 watts étalons.
En bref, les performances ont belles et bien explosées en quelques années et les coureurs sont de plus en plus rapides. Cela peut s’expliquer notamment par l’évolution du matériel et de la nutrition, c’est en tout cas ce qu’avance Vingegaard pour expliquer ses performances.
“Je comprends totalement les questions que les gens se posent à ce sujet", a-t-il expliqué en conférence de presse cette année. "La nourriture, le matériel, l’entraînement, tout est mieux. La seule chose que je peux dire c’est que je ne prends rien. Je ne prends rien que je ne donnerais pas à ma fille de deux ans.”