La descente aux enfers de Byron Moreno, l’arbitre controversé qui a fait enrager l’Italie en 2002
Byron Moreno. En France, ce nom ne dit sûrement rien au grand public, même aux amateurs de football. Pourtant, de l’autre côté des Alpes, en Italie, il est encore sur toutes les lèvres. En cause ? Le match Italie - Corée en Coupe du Monde.
En 2002, la Squadra Azzurra affronte la Corée du Sud en huitième de finale de Coupe du Monde. Largement favoris, les Italiens doivent toutefois se méfier de leurs adversaires. Les Coréens, hôtes de la compétition, viennent de battre le Portugal de Luis Figo en poules.
C’est donc une rencontre déséquilibrée, mais dangereuse, pour l’Italie de Gianluigi Buffon et Francesco Totti. Au sifflet de ce match, on retrouve Byron Moreno. L’arbitre équatorien, surnommé “Le Justicier”, est connu pour son tempérament bien trempé et ses choix inflexibles.
Le présentateur équatorien Carlos Victor Morales le qualifie même de “policier” sur le terrain : “Son arbitrage a toujours prêté à polémique. Sur le terrain, c’était un shérif. Comme un policier qui a besoin d’user de la matraque pour se sentir puissant.” Alors, forcément, à l’aube de la rencontre, Byron Moreno est sous le feu de tous les projecteurs.
Dès le début du huitième de finale, alors que le match vient de démarrer, les Coréens obtiennent un penalty à la quatrième minute, pour un tirage de maillot dans la surface. La faute est bien présente et la Corée a l'opportunité d'ouvrir le score.
Sauf que les cages italiennes sont gardées par le grand Gianluigi Buffon. Le gardien réussit à arrêter le penalty et remet son équipe dans le match. Les Italiens mettent le pied sur le ballon mais subissent les tacles des Coréens. Malgré les fautes, les joueurs du pays hôtes ne reçoivent pas de cartons jaunes.
Regroupés en défense, les Coréens se font surprendre dès la 18e minute sur un corner. Christian Vieri place sa tête et donne l'avantage à la Squadra Azzurra. On pense alors que l’Italie va gérer tranquillement son avantage… Mais le football n'est pas une science exacte !
Dans une rencontre très hachée, la Corée va alors commencer à faire vivre un enfer aux Italiens. Tacles par derrière, pieds hauts, fautes d’anti-jeu… Les Transalpins ne peuvent pas développer leur football et les fautes coréennes s'accumulent. Byron Moreno reste muet et les cartons restent dans sa poche.
Dans un duel avec un joueur adverse, Alessandro Del Piero subit un violent coup de coude. En sang, le joueur italien reste au sol mais, contre toute attente, le Coréen n’est pas sanctionné pour son geste. Une action violente qui aurait pu mériter un carton rouge.
La seconde période est une bouillie de football. L'Italie ne se crée pas d'occasion mais n'en concède pas non. Pourtant, en toute fin de seconde période, les Coréens égalisent après une très belle action. Le match est relancé, place aux prolongations.
On joue alors la 104e minute. Francesco Totti est gêné dans la surface par un adversaire et s’écroule. On croit tous à un penalty mais Byron Moreno décide d’exclure le joueur italien pour simulation, alors qu’il y avait bien un contact entre les deux joueurs dans la surface. Le tournant du match.
En seconde période de la prolongation, les Italiens continuent de dominer et se procurent une occasion en or. Deux joueurs se présentent face au gardien coréen mais Moreno siffle un hors-jeu… inexistant. Les situations litigieuses s’enchaînent et l’arbitre ne bronche pas.
En toute fin de match, ce qui devait arriver arriva. Sur une des dernières actions du match, à la 117e minute, Ahn remporte son duel face à Paolo Maldini et crucifie les Italiens. Le stade explose, la Corée est qualifiée.
Le lendemain, les journalistes se ruent sur Byron Moreno. Sous le feu des critiques, on lui demande alors comment il a dormi après ce match, il répond tranquillement : “Parfaitement bien. Je suis très satisfait de mon arbitrage et je pense qu’il m’aidera à être retenu pour le prochain Mondial en Allemagne.”
L’Équatorien se permet même de narguer les Italiens : “Vous savez que j’ai une très bonne vue ? Aux tests de la FIFA, j’ai eu 20/20 à l’œil droit, et 15/20 au gauche. C’est largement supérieur à la moyenne. Et je cours le 50 mètres en 7 secondes.” Mais ce qu’il ignore, c'est que cette rencontre va sceller le début de sa descente aux enfers.
Le 12 août, il déclare à la télévision équatorienne : “Quand Mussolini était au pouvoir, il avait prévenu ses joueurs : s’ils ne gagnaient pas la Coupe du monde 1938, ils ne pourraient pas rentrer chez eux. La vérité, c’est que les Italiens ne savent pas perdre.”
Deux mois plus tard, lors d’un match du championnat équatorien entre La Liga Deportiva Universitaria de Quito et le Barcelona Sporting Club, Byron Moreno va ajouter 13 minutes de temps additionnel alors que le Sporting mène 3-2.
Avec ses dix minutes supplémentaires, Quito plante deux buts et s’impose dans cette rencontre très importante pour le titre. L’arbitre est conspué et doit sortir sous escorte policière, le public et les commentateurs ne comprenant pas la durée du temps additionnel.
Quelques semaines après, la fédération découvre que Byron Moreno est candidat aux élections municipales de Quito et décide d'exclure l'arbitre pendant 20 mois. Deux scandales en quelques mois pour l'Équatorien, qui est accusé de corruption de toutes parts. En 2003, il dépose sa démission à la fédération équatorienne.
En septembre 2010, il est retrouvé à l’aéroport de New York avec 6 kilos d’héroïne. Soit l’équivalent d’un demi-million de dollars, répartis en dix petits sachets transparents scotchés sur son ventre, son dos et ses jambes. Il est arrêté et placé en détention provisoire.
L'arbitre international sera condamnée à deux ans et demi de prison. En décembre 2012, il est libéré pour bonne conduite et, depuis, ne fait plus de vague. Une fin de carrière compliquée pour l’arbitre le plus détesté de toute l’Italie, qui aura marqué à jamais la Coupe du Monde 2002.