"La terre battue c’est fini, il faut qu’on fasse un stade en dur" : le jour où le destin de Roland-Garros a failli basculer
Joueur, capitaine de Coupe Davies, entraîneur, commentateur… Jean-Paul Loth est une légende de tennis français. Aujourd'hui âgé de 84 ans, il s'est confié à Eurosport sur l'évolution de Roland-Garros.
Peu de personnes connaissent le tournoi de Roland-Garros aussi bien que Jean-Paul Loth. S'il n'a jamais disputé les phases finales du tournoi, éliminé au dernier tour des qualifications en simple contre Thierry Bernasconi en 1974, il est l'un des hommes qui ont participé à la grandeur du Grand Chelem parisien.
Le tennisman découvre Roland-Garros en 1953. Il n'a alors que 14 ans et raconte à Eurosport : "D’une manière assez incroyable, je me promenais dans ce stade comme on pouvait le faire facilement à l’époque, en short et avec une raquette en main. Et lors de mes pérégrinations dans le stade, je vois Pierre Ostertag (juge-arbitre du tournoi à l’époque, ndlr) qui me dit "tiens, tu as ta raquette, tu ne veux pas échanger quelques balles avec une dame, là, qui joue le tournoi ?"
Il explique ensuite : "Je vais sur le court avec elle, je ne comprenais pas un mot de ce qu’elle me disait puisque je ne parlais pas anglais. Elle ne rate pas une balle, toutes les balles qui sont dans le filet ou dans les grillages, ce sont les miennes. Au bout de vingt minutes, elle devait en avoir assez, elle me remercie gentiment et une fois sorti du court, Ostertag me dit : 'tu sais avec qui tu as joué là ?'. Je réponds : 'non, mais elle joue bien la dame !'. Et là, il me dit : 'oui, c’est la favorite du tournoi cette année, Maureen Connolly' (en photo)". Cette année-là, Maureen Connolly remportera le premier Grand Chelem calendaire !
Dans les années 1960, Jean-Paul Loth comprend qu'il n'arrivera pas à devenir un grand joueur. Il change alors son fusil d'épaule : "Je me dis que ça serait intéressant, au lieu d’être le quinzième joueur de France, d’être le numéro 1 des entraîneurs." Il devient ainsi l'un des coachs les plus respectés du tennis français.
Le Français assiste à la professionnalisation du tennis et explique : "Quand le tennis devient professionnel en 1968, on a un tout petit stade, ridicule comparé à Wimbledon et l’US Open. L’Open d’Australie, lui, navigue d’une ville à l’autre, mais à chaque fois l’endroit est fabuleux. À Roland-Garros, on n'avait que neuf courts, le Central était en train de se détruire." Roland-Garros doit se transformer, et vite !
Grâce à ses écrits et à ses contacts, Jean-Paul Loth devient une des figures du tournoi : "Je participe aux réunions du Bureau Fédéral et à chaque fois qu’il y a une décision concernant Roland, je suis présent et acteur", explique-t-il à Eurosport.
À la fin des années 90, les rumeurs font état d'un possible déménagement de Roland-Garros, et le coach est concerné : "Bêtement, j’ai fait partie de ceux qui disaient qu’on était à l’étroit à Roland-Garros et qu’il fallait qu’on en sorte (...) J’étais convaincu qu’il fallait trouver un terrain pour s’agrandir et devenir l’égal des autres Grands Chelems. Et dans ma bêtise, j’avais en plus dit à Philippe Chatrier : "la terre battue, c’est fini, il faut qu’on fasse un stade en dur !"
Heureusement, cette idée ne sera pas gardée et Roland-Garros restera le Grand Chelem de terre battue : "Chatrier (en photo), qui était tout à fait dans la ligne opposée, disait : 'il faut qu’on reste ici, c’est le plus bel endroit au monde pour un tournoi de tennis'. Marcel Bernard également. Et j’ai lâché prise quand on a commencé à avoir de bonnes nouvelles concernant l’extension."
Aujourd'hui, le stade Roland-Garros s'étend désormais sur 12 hectares et compte 18 courts en terre battue, contre neuf en 1968, selon Olympics.com. Le tournoi a bien évolué et Jean-Paul Loth a assisté à tout cela. Si Roland est aussi mythique, c'est aussi grâce à lui !