Le jour où Laurent Fignon a perdu le Tour de France sur les Champs Élysées
Le 23 juillet 1989, deux hommes sont au coude-à-coude pour remporter le Tour de France : l'Américain Greg LeMond et le Français Laurent Fignon.
Les deux hommes sont de grands compétiteurs, ayant chacun remporté la Grande Boucle : Laurent Fignon en 1983 et 1984 et Greg LeMond en 1986.
Greg LeMond est d'ailleurs le premier non-européen et le seul Américain (après le déclassement de Lance Armstrong) à avoir remporté à ce jour le Tour de France.
Au matin de cette 21ᵉ et dernière étape, Laurent Fignon compte 50 secondes d'avance. Après trois semaines d'une bataille acharnée, le coureur de l'équipe Système U semble bien le plus fort du peloton.
Impressionnant dans les Pyrénées, Laurent Fignon a refait le retard qu'il a accumulé lors du premier contre-la-montre entre Rennes et Dinard, lors de la cinquième étape. Au soir de la 18ᵉ étape, il porte son avance à 50 secondes, un écart qui ne changera pas après les 19ᵉ et 20ᵉ journées.
Ainsi, presque une minute sépare les deux hommes avant un ultime contre-la-montre entre Versailles et Paris, long de 24,5 kilomètres et sans difficulté particulière.
Avant la course, l'opinion générale s'accorde à dire que LeMond ne peut pas rattraper un si grand écart dans un contre-la-montre aussi court et, surtout, sans côte. Il faudrait un exploit de l'Américain ou une défaillance du Français.
Malheureusement, c'est bel et bien ce qu'il s'est passé. Diminué par une blessure à la selle, Laurent Fignon, pourtant vainqueur à quatre reprises dans l'exercice du contre-la-montre sur la Grande Boucle, va s'écrouler dans les rues parisiennes.
Greg LeMond, quant à lui, est en grande forme dans l'exercice car il a remporté les deux premiers CLM du Tour, endossant le maillot jaune en remportant la 5ᵉ étape entre Rennes et Dinard.
L'Américain s'élance dans les rues de Paris avec un seul objectif : reprendre le plus de temps possible au leader et prendre tous les risques.
Arqué sur son guidon de triathlète, qui n'est alors pas utilisé par tous les coureurs, il se donne à fond et fait exploser les chronos des coureurs passés avant lui. Au bout de 11,7 kilomètres, il met 20 secondes à tous ses adversaires.
De son côté, Laurent Fignon s'élance timidement, avec courage vu sa douleur à l'entrejambe. Au premier intermédiaire, il est troisième, à 21 secondes de l'Américain. Un passage inquiétant à la mi-course.
C'est donc dans la deuxième partie du chrono que tout va se jouer. Greg LeMond, qui a eu vent des résultats de son adversaire, est déterminé comme jamais. Parfaitement placé sur son vélo, il coupe la ligne avec 33 secondes d'avance sur son dauphin : Thierry Marie.
Le public attend alors l'arrivée de Laurent Fignon. Le Français, en grande souffrance sur sa bicyclette, donne tout ce qu'il a mais perd du temps à chaque kilomètre. Petit à petit, l'écart se creuse et atteint les 50 secondes.
Quand Laurent Fignon franchit la ligne, le chronomètre indique 58 secondes de retard. Le maillot jaune est détrôné et s'incline pour huit petites secondes. Jamais, dans l'histoire du Tour de France, un homme s'était incliné sur un aussi petit écart.
Dans cette étape, il ne faut pas oublier l'incroyable performance de Greg LeMond qui a signé, ce jour-là, un exercice d'une moyenne record de 54,55 kilomètres à l'heure : il s'agit du contre-la-montre de plus de 20 kilomètres le plus rapide de l'histoire du Tour, encore aujourd'hui.