L'histoire folle d'Emil Zatopek, le quadruple champion olympique devenu éboueur sous l'URSS
Imaginez courir le marathon olympique alors que vous n'avez jamais fait de marathon. C'est ce qu'a réalisé Emil Zatopek en 1952 à la différence que lui, il l'a remporté.
Triple champion olympique cette année-là, après ses victoires sur 5000 et 10 000 mètres, le Tchécoslovaque est le seul homme à remporter ces trois épreuves dans une même édition des Jeux Olympiques. Un exploit immense.
Accueilli en héros en Tchécoslovaquie, le champion va pourtant finir sa vie comme éboueur ou même mineur. Retour sur le parcours totalement fou d'Emil Zatopek.
Né le 19 septembre 1922 à Kopřivnice, en République Tchèque, Emil Zatopek est le sixième enfant d'une famille de sept. Il vit dans une grande pauvreté et n'a pas le droit de courir car cela use ses souliers.
Il termine ses études et part pour la ville de Zlín, dans l'entreprise Bata, où il fabrique des chaussures. Le jeune homme ne court alors que très peu mais va être contraint de participer à la "Course à travers Zlín", un événement organisé par la ville.
Il tente de simuler une blessure avant le départ mais est finalement obligé à courir. Il finit deuxième de l'évènement et renoue avec le sport. Il a alors 19 ans.
Le jeune homme commence alors à créer ses propres sessions, composée de 50 répétitions de 100 mètres ou de 200 mètres, voire parfois de 400 mètres. Il devient spécialiste du 1500 mètres et, pour sa première victoire, remporte une tranche de pain et une pomme, les rations étant limitées en temps de guerre.
Son entraînement et son style de course très spécifique (ils bougent énormément les épaules) interrogent les spécialistes. Il commence à courir des 3000 mètres et bat les records nationaux avec une grande nonchalance, les journalistes du pays criant au "fake". Il part à Prague et, devant leurs yeux, bat une nouvelle fois le record Tchécoslovaque du 2000 mètres en 5 minutes 35 secondes.
La ville de Zlín est libéré le 2 mai 1945 par les Russes et Emil Zatopek sympathise avec les soldats avant de rentrer dans l'armée. Là-bas, il peut s'entraîner à sa guise et continue de battre des records, à 23 ans.
En 1947, à 25 ans, le Tchécoslovaque va enfin se révéler au grand public en remportant de nombreuses courses dont les Jeux mondiaux universitaires à Paris sur 1 500 et 5 000 mètres. Il est dans le même temps promu lieutenant à l'armée.
En 1948, Emil Zatopek se fixe un objectif : remporter une médaille olympique à Londres. Malheureusement, sa préparation n'est pas bonne et il atteint son pic de forme avant les JO.
Cela ne l'empêche pas de remporter la médaille d'or sur 10 000 mètres. Il s'agit là de la première de l'athlétisme tchécoslovaque (et tchèque) aux Jeux olympiques. Il termine deuxième du 5 000 mètres après une remontée mémorable.
Les années qui vont suivre vont toutes se ressemble pour le Tchécoslovaque qui va battre plusieurs records du monde du 10 000 mètres, livrant une guerre sans merci à son rival finlandais Viljo Heino.
Avant les JO de 1952 à Helsinki, il annonce viser trois médailles d'or : le 5 000, le 10 000 mètres et le marathon. Une déclaration qui agace ses adversaires car Zatopek n'a jamais disputé de marathon.
Il commence par remporter le 5 000 mètres dans une course effrénée, devant le Français Alain Mimoun. Il remporte ensuite le 10 000 mètres et se présente sur le marathon et clame vouloir courir en 2 h 15.
Le Britannique Jim Peters, qui détient la meilleure performance sur la distance en 2 h 20 min 42 s, s'énerve et sort de sa course, en attaquant dès le début. Il se fait rattraper au 19ᵉ kilomètres par un Zatopek tout sourire, qui le dépasse et file vers la victoire.
Le Tchèque profite de son avance pour plaisanter avec le public et, quand il rentre dans le stade, il est acclamé par les 80 000 spectateurs. Il remporte la course en 2 h 23 min 02 s, record olympique, et est accueilli en héros dans son pays natal.
Il devient alors commandant dans l'armée et continue de battre des records. En 1952, il bat avec 18,970 km le record de l'heure, puis, dans la même course, celui des 25 kilomètres en 1 h 16 min 21 s 8 et enfin, celui des 30 kilomètres en 1 h 35 min 23 s 8.
Il prend sa retraite en 1957 et commence alors une carrière militaire. En 1968, Emil Zátopek participe au Printemps de Prague, un mouvement de réforme qui veut libéraliser la Tchécoslovaquie. Il s'oppose à l'Union Soviétique mais est retrouvé par le KGB.
En 1969, la propagande soviétique commence à discréditer l'ancien athlète. Ce dernier est exclu de l'armée et ne reçoit plus d'argent. Les entreprises ne veulent pas l'embaucher et il doit travailler en tant qu'éboueur et mineur pour gagner sa vie.
Pendant plusieurs années, il est considéré "persona non grata" dans son pays. Tout va changer en 1989 avec la chute du mur et de l'URSS. L'athlète est réhabilité le 11 mars 1990 et le nouveau ministre de la Défense Miroslav Vašek s'excuse publiquement de son limogeage de l'armée.
Victime de plusieurs maladies, le quadruple champion olympique tchèque s'éteint à l'âge de 78 ans, le 22 novembre 2000, d'une pneumonie. En République Tchèque, il est considéré comme une figure nationale importante, un homme qui n'a jamais fui et est resté fidèle à son pays et ses idéaux.