Peter Norman, le héros oublié derrière les poings levés des Jeux de Mexico

Le héros oublié
Un contexte très tendu
Tommie Smith et John Carlos, deux hommes, un destin
Le surprenant Peter Norman
Les poings levés de Mexico
Le penseur de ce geste
Ostracisé en Australie
Ensemble jusqu'à la fin
Le héros oublié

Derrière l'une des photographies les plus célèbres du monde se cache un héros méconnu. Un athlète oublié, un sprinteur qui, médaille d'argent au cou, n'a jamais reçu la reconnaissance qu'il mérite : Peter Norman.

Un contexte très tendu

Cette photographie, vous l'avez peut-être étudiée en cours d'histoire, tant elle est mythique. Nous sommes alors aux Jeux Olympiques de Mexico, en 1968. Avant les Olympiades, de nombreux événements ont eu lieus aux États-Unis, où la révolution gronde. Martin Luther King, assassiné en avril 1968, et Bobby Kennedy, tué deux mois plus tard, sont deux des victimes de ces conflits sans précédent.

Tommie Smith et John Carlos, deux hommes, un destin

Toutefois, malgré cette violence, les athlètes américains participent aux JO, à l'image de Tommie Smith et John Carlos, médaille d'or et de bronze du 200 mètres cette année-là : "Nous n'avons aucune intention de perturber les Jeux, mais ça ne veut pas dire que nous nous interdisons de faire quelque chose pour montrer les injustices faites aux noirs aux États-Unis", explique alors John Carlos six semaines avant les Jeux, rapporte Eurosport.

Le surprenant Peter Norman

Dans cette finale du 200 mètres, Tommie Smith, le grand favori, a assumé son statut en s'imposant en 19,83 s, record du monde à la clé. Derrière lui, on retrouve le surprenant australien Peter Norman en 20,06 s (encore aujourd'hui le record d'Océanie), qui vient piquer la médaille d'argent à John Carlos.

Les poings levés de Mexico

Sur le podium, les deux hommes décident alors de marquer l'histoire et les esprits en brandissant deux gants noirs à leurs poings, levés pendant l'hymne en signe de revendication pour les noirs dans le monde entier. Ils sont hués par le stade. À côté d'eux, il y a un homme : Peter Norman. Lui aussi est solidaire puisqu'il porte un badge contre la ségrégation raciale. Les deux Américains seront bannis à vie des Jeux Olympiques et l'image fait le tour du monde, mais personne (ou presque) ne remarque Peter Norman.

Le penseur de ce geste

Or, ce que le public ignore, c'est que l'athlète australien est, en quelque sorte, le penseur de ce geste. En effet, c'est lui qui, avant l'entrée sur le podium, donne l'idée à Smith et Carlos de porter chacun un gant noir. Carlos ayant oublié sa paire de gants au village olympique, comme l'explique Riccardo Gazzanigga dans "The White Man in That Photo", il rompt ainsi avec la tradition du salut avec le poing droit. Un salut pour "les droits de l'Homme" et non pour le Black Power, affirmera plus tard Tommie Smith dans son autobiographie Silent Gesture.

Ostracisé en Australie

Après ce geste, Smith et Carlos deviennent des icônes aux États-Unis, mais eux, comme leur famille, sont menacés de morts. De son côté, Peter Norman (en photo) revient en Australie. Il est alors ostracisé par son pays et, malgré ses très bons résultats, n'est pas appelé aux Jeux Olympiques 1972. Il n'est pas non plus invité aux Jeux Olympiques de Sydney en 2000, mais les États-Unis, après avoir entendu cela, l'inviteront eux-mêmes, en reconnaissance.

 

 

"J'étais heureux de m'identifier à lui"

Le 17 octobre 2003, l'université d'État de San José inaugure une statue commémorant la protestation de 1968. Un bel hommage mais, sur la statue, Peter Norman est absent, sa place étant réservée au passant pour qu'il "prenne position". Invité à la cérémonie, il prononce alors ces mots : "J'étais comme un caillou jeté dans une mare, et l'onde de choc continue de se propager. (...) J'étais heureux de m'identifier avec lui (Smith) et aux valeurs qu'il défendait ainsi", rapporte l'Associated Press.

Ensemble jusqu'à la fin

Le 3 octobre 2006, Peter Norman meurt d'une crise cardiaque. Lors de ses obsèques, Tommie Smith et John Carlos viennent jusqu'à Melbourne et portent son cercueil. Une image qui fait, elle aussi, le tour du monde, près de 35 ans après les Jeux de Mexico.

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"Ils étaient liés à vie"

Son neveu, Matt Norman, explique alors dans Le Monde : "Cela avait un sens qu'ils soient une dernière fois réunis. Ils étaient liés à vie par cette posture de Mexico et Peter partageait entièrement les convictions des deux autres sprinteurs sur l'égalité entre les hommes et la lutte contre le racisme. Il était très croyant, issu d'une famille engagée depuis des générations dans l'Armée du Salut. Et l'ostracisme dont souffraient les Noirs d'Amérique n'était pas sans lui rappeler l'affreuse condition des Aborigènes en Australie qui ont attendu jusqu'en 1967 pour être considérés comme de vrais citoyens. Peter était sensible à tout cela."

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